Echos de l’Université populaire d’Esprit Civique 2025
Les 4 et 5 octobre 2025, un peu plus de 110 personnes se sont retrouvées pour participer à un temps de réflexion et d’échanges, au domaine de Bierville, le Centre national de formation de la CFDT, lors des 12èmes Universités populaires d’Esprit Civique. Dans un cadre agréable qui allie beauté et fonctionnalité, les participants se sont ressourcés par leurs échanges et en écoutant des intervenants de grande qualité, sur un thème fort d’actualité : Social-écologie :une épopée humaniste !
Echos de l’Université populaire d’Esprit Civique 2025
Dans son introduction, Dominique Potier, président d’Esprit Civique, a rappelé que la transition engagée depuis une décennie marquait aujourd’hui le pas. Dans ce contexte, trouver les voies d’une synergie entre les enjeux écologiques et es enjeux d’une plus grande justice sociale est essentiel. Pour cela, le personnalisme reste une ressource inestimable. Le 4 octobre 2025, qui marque à la fois le jour de fête de la Création (jour de la Saint François) pour l’Eglise Catholique, et le 80ème anniversaire des premières ordonnances de création de la Sécurité Sociale, est une bonne date pour démarrer l’Université populaire d’Esprit Civique sur la question :« Et si la transition social-écologique était avant tout une épopéehumaniste ? »
Lors d’une première séance, Lucile Schmid, vice-présidente de la Fabrique écologique, nous a incité à parler de la vie compliquée avec des mots simples, pour décrire les changements nécessaires en matière de transition sociale et écologique. Elle a montré l’importance de construire des horizons communs pour faire face à la panne actuelle sur le plan politique. Pour cela, il est essentiel de ne pas opposer pouvoir d’achat et écologie et de mettre au cœur l’enjeu des pratiques.C’est une manière de réconcilier les mots utilisés et les pratiques des citoyens.
En fin de matinée, une table-ronde a approfondi les enjeux concernant le sol (entre accaparement et partage), comme un bon exemple d’un lieu de nécessaires articulations entre les priorités sociales et écologiques. Animée par Dominique Potier, cette table-ronde réunissait Agnès Thouvenot, première adjointe à la mairie de Villeurbanne, Sarah Dubeaux, déléguée générale du Laboratoire d’Initiatives Foncières et Territoriales Innovantes, et Pierre Blanc, docteur en géopolitiqueet rédacteur en chef de la revue « Confluences Méditerranée ». Cette table-ronde a bien montré qu’il n’y a pas de démocratie durable sans justice. Les enjeux autour de la terre agricole sont sources de conflictualité s’ils ne sont suffisamment gérés. En milieu urbain, l’accroissement excessif des prix du foncier pose des problèmes de justice et rend difficiles les projets de logement.
En début d’après-midi, nous avons eu l’opportunité de repérer ce qui naît actuellement dans plusieurs champs d’activité, grâce aux interventions (en visio) de Claire Thoury, présidente du Mouvement Associatif, Caroline Neyron, DG d’Impact France, Sébastien Denys,directeur Santé-Environnement à Santé Publique France, et Denis Vallance, consultant auprès de collectivités locales et maire d’ Allemps (Meurthe etMoselle), ainsi qie vice-président de sa communauté de communes. Ces représentants du secteur associatif, des entreprises engagées dans la transition, des politiques de santé publique et des collectivités locales ont pointé l’ampleur des initiatives en cours, mais aussi les défis de financement et de coordination des initiatives. Je retiens notamment l’intérêt d’une approche globale en matière de santé (« one health »), secteur par excellence où se joue l’intérêt d’une action à la fois sociale et écologique.
Bernard Perret, ancien haut fonctionnaire, économiste et essayiste, a montré ensuite comment le personnalisme est un chemin de transition, avec des auteurs comme Emmanuel Mounier, Jacques Ellul, Paul Ricoeur. Nous sommes appelés à prendre soin du « monde commun », comme nous y invitait déjà Hannah Arendt, ou de la « maison commune » pour reprendre l’expression du pape François dans l’encyclique Laudato Si. Les ressources philosophiques et spirituelles du personnalisme peuvent nous y aider.
Vient ensuite le temps des pratiques,avec un voyage apprenant (sous forme d’ateliers) à la découverte d’institutions, entreprises, associations, … qui ont partagé leurs initiatives sociales, écologiques et économiques. Jean-Charles et Hélène Rinn nous ont montré qu’il était possible de penser autrement la propriété et la transmission, avec leur initiative d’une fondation actionnaire pour transmettre leur entreprise. Benoît Robyns a présenté l’expérience Live Tree de l’Université Catholique de Lille, pour son initiative de rénovation en lien avec son quartier urbain. Benoît Halgand, quant à lui, a permis aux participants à son atelier de mieux connaître la dynamique du Campus de la Transition. Pierre-Henri Rémy a décrit l’expérience dans la durée du premier éco-organisme en France, Aliapur, coordinateur de la récupération des pneus et de leur réutilisation sous différentes formes. Enfin, Adrien Louandre a montré comment une grande association comme le Secours Catholique tient ensemble le besoin de répondre aux urgences sociales et aux urgences écologiques, en prenant au sérieux laparole des plus précaires.
Durant la soirée du samedi, Anicette Sangnier, présidente de l’Institut Marc Sangnier, a évoqué l’histoire du domaine de Bierville et de son propriétaire durant lapremière moitié du vingtième siècle, Marc Sangnier, fondateur du Sillon et des Auberges de Jeunesse, et un des inspirateurs du christianisme social.
Puis Marine Samzun et Amaury de Lamartinie nous ont offert un très beau spectacle poétique, avec des extraits de textes inspirants sur le thème de l’espérance, de Camus à François d’Assise, en passant par le conte plein de sagesse de la souris Justine et de ses compagnons, à la recherche de la pierre de feu.
La journée du dimanche 5 octobre a été marquée par trois temps essentiels. Tout d’abord un travail participatif en ateliers a rassemblé les participants à l’Université populaire autour d’un projet de texte de Manifeste, porté par Esprit Civique, et soumis à l’analyse et la critique des participants. Cette réflexion collective a permis de recueillir de nombreuses suggestions importantes,validées par un système de votes par des gommettes, qui vont permettre d’aboutir à un texte final d’ici la fin d’année 2025.
Le second temps fort a consisté en une table-ronde rassemblant Valérie Masson-Delmotte, climatologue, directrice de recherche CEA au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement, membre éminent du GIEC et Antoine Peillon, ancien Secrétaire Général à la Planification écologique. Après nous avoir rappelé que ce que nous faisons chaque jour en matière de transition fait une différence, les intervenants ont insisté sur la difficulté du moment, avec le travail de ceux qui inondent la population de mensonges pour retarder les évolutions nécessaires, et l’affaiblissement du pilotage de la transition écologique, ou l’insuffisante proportionnalité des efforts demandés. Dans ce contexte, il est important de soutenir la vie démocratique, qui est une condition pour favoriser l’action pour la préservation de l’environnement et pour la transition écologique. La protection de l’environnement est aussi un enjeu majeur pour la santé. Les intervenants ont également montré tout l’intérêt d’agir localementet de partir des préoccupations des voisins. Mais une action publique est nécessaire aussi car pour diminuer les émissions de Gaz à Effet de Serre, on estime que 50% de cette diminution pourra provenir des entreprises, 25% des collectivités publiques, et 25% des particuliers. Nous avons un intérêt immédiat à agir pour la transition et à valoriser les pratiques des personnes sobres. En conclusion, Valérie Masson-Delmotte nous a rappelé que nos choix comptent. Un bel appel à la responsabilité.
Enfin, DominiquePotier a clôturé l’Université d’Esprit Civique en remerciant les intervenants et les participants pour leur engagement. Il a aussi livré quelques messages clés. Comme l’indiquait le titre de la première conférence, face à la panne dans la transition écologique juste, nous avons à tenir l’horizon. Nous faisons face à plusieurs bascules : les évolutions technologiques qui permettent des emprises (réseaux sociaux), le socle de la science remis en cause, la démocratie fragilisée, l’universalisme contesté, tout comme l’humanisme. Mais des énergies positives sont aussi à l’œuvre : des innovations enthousiasmantes, des prises de conscience (comme le lien entre santé et environnement), l’émergence de nouveaux acteurs (Impact France comme alternative au Medef, le Pacte du Pouvoir de Vivre), le travail fondamental du GIEC et de certains think tanks. L’apport du personnalisme est de nous rappeler la dignité irréductible de l’être humain, mais aussi la cohérence et l’unité de la personne tournée vers le bien commun. Le personnalisme invite également à tenir ensemble mesure et radicalité (chemin de transition et chemin de paix), enracinement et universel, temps long et temps court. La vie bonne est l’estime de soi dans des institutions justes selon Paul Ricoeur.
Nous avons des politiques publiques à porter : aménagement du territoire, fiscalité,nouvelle comptabilité. Dominique Potier indique également trois frontières : une société civile engageant plus large qu’elle-même, des entreprises comme acteurs essentiels de la transition, et un Etat arbitre de nos « endettements mutuels ».
Les traditions sociales-démocrates ont à se nourrir d’éthique et de sens. Cela nous invite aussi à refonder des initiatives d’éducation populaire. L’encyclique Fratelli Tutti nous appelle à cultiver la confiance dans la personne humaine. Une invitation à aller de l’avant.
Daniel Verger
